Depuis ces 20 dernières années, l’éducation positive connaît un essor incroyable dans le milieu canin. Elle s’oppose à l’éducation coercitive, basée sur des études scientifiques erronées. Malgré ces faits et les nombreuses données confirmant que le chien est un être sensible et doté d’émotions, l’éducation positive reste parfois controversée. Elle est considérée comme une méthode laxiste qui ne résout pas les graves problèmes de comportement et ses adeptes sont vus comme des distributeurs de saucisses. Pourtant, la véritable éducation respectueuse, bien appliquée prône l’installation d’un cadre sérieux, cohérent et les résultats sont là. Alors comment devient-on un champion d’obéissance avec des méthodes bienveillantes ? Comment enseigne-t-on des règles strictes en douceur à son meilleur ami ? En évitant ces erreurs clichées que les propres positifs ont parfois tendance à commettre.
Que l’on découvre le monde de l’éducation canine en général ou que l’on change de voie après avoir été en coercitif, le positif crée toujours un choc. Ne plus punir Fido, c’est forcément le laisser faire des bêtises. Éviter tout conflit ou stress équivaut à ne plus rien demander. Cette attitude est une erreur. L’éducation positive exige, au contraire, un gros travail de discipline au quotidien, afin d’anticiper les échecs. Chaque friandise doit être donnée pour une bonne raison, au moment adéquat. Gérer l’environnement pour pallier le problème est temporaire, il faut passer à l’étape suivante. Une trop grande flexibilité génère plus d’angoisse pour votre meilleur ami que les autocontrôles enseignés avec bienveillance. Pour bien pratiquer, il ne faut pas adopter les étiquettes que les détracteurs nous collent.
Positif ne rime pas avec laxiste.
1- Renoncer à ses règles
Même si vous avez appris que votre chien n’est pas dominant et qu’il ne cherche pas à conquérir le monde en grimpant sur votre canapé, vous n’êtes pas obligé de céder. Le prix du meuble, les poils, le manque de place, la simple envie, peu importe vous n’avez pas à vous justifier. Tant que votre meilleur ami a une place confortable où se reposer, prohiber le lit et le fauteuil n’est pas synonyme de contrainte. Pour des raisons pratiques, chez Cynotopia, (escaliers étroits, propreté) nos chiens ne peuvent pas monter à l’étage sans autorisation. Pour leur enseigner à respecter nos règles, nous interdisons rien, nous permettons certaines choses. Au lieu de planter Fido devant les escaliers et de brandir un “non” ferme ou de lui donner la fessée s’il grimpe, nous mettons une barrière pendant quelques jours. Nous travaillons progressivement, sans ajouter de coups ou de cris. Petit à petit, nous entrouvons celle-ci et revenons fréquemment féliciter nos élèves qui gardent les pattes au sol. Les chiens sont récompensés parce qu’ils choisissent de ne pas essayer de grimper, ils prennent cette décision qui leur rapporte bien plus que de chercher à nous rejoindre.
Avec 6 boules de poils, nous exigeons aussi le calme avant de sortir ou descendre de la voiture. Un à un, nous leur avons appris que s’asseoir débloque la récompense sociale : être libéré. Tout cela sans ajout désagréable (P+). Jamais nos chiens n’ont entendu un “non” sortir de notre bouche, pourtant ils respectent instinctivement certaines règles, parfois cassées par une autorisation, un privilège comme monter dans la chambre “pour cette fois”.
2- Distribuer des friandises n’importe comment
Il est très facile de tomber dans ce geste rassurant de plonger la main dans la pochette pour jeter des croquettes partout. Il n’y a pas de mal à récompenser le “assis” acquis au bout de 3 ans de temps à autre, mais la transition doit bien se faire à un moment donné. La valeur de la récompense doit correspondre à l’effort fourni : un pas bouger de quelques secondes équivaut à un “bravo”, tandis qu’un rappel face au gibier mérite un énorme bout de jambon. Avant de “distribuer”, il faut penser au type de récompense, à la manière dont celle-ci est donnée et quand.
Une saucisse ne doit pas servir à détourner Toutou du problème, le distraire (sauf cas d’urgence), mais récompenser une réussite. Ne pas réprimander Fido exige de peser précisément l’impact des félicitations qui doivent conserver une grande valeur. Implémentez aussi la récompense sociale et environnementale. N’oubliez pas que le but est, à terme, de pouvoir vous en sortir sans friandises le jour où vous en aurez besoin. Les détracteurs, mais aussi les propres adeptes ont parfois tendance à oublier l’exemple de grands champions. Leur chien monté en positif travaille sans aucun stress pendant des dizaines de minutes malgré l’absence de friandises.
3- Culpabiliser à la moindre erreur et penser que nous détruisons la relation du duo
Malheureusement, adopter l’éducation positive n’est pas aussi “intuitif” que le coercitif voire le balanced training. Ces deux dernières méthodes ressemblent fortement au schéma que nous appliquons dans notre vie quotidienne : une bonne note équivaut à un “bravo”, mais une mauvaise génère une punition. La méthode bienveillante réprouve toute forme de violence verbale ou physique. On ne tire pas sur la laisse d’un chien qui nous déboîte le bras. Ce constat provoque pas mal d’angoisses pour l’humain qui culpabilise automatiquement lorsqu’il commet une faute : mal calculer le seuil de tolérance de son chien réactif face à un congénère et le déclencher. Présumer ses capacités et lui demander un exercice trop difficile dans un environnement stimulant…
Les grandes lignes de l’éducation positive semblent vous condamner d’office : vous avez traumatisé votre toutou, vous êtes un monstre. Au début de ma conversion, j’en étais venue à pleurer au téléphone parce que Mistral, en tirant sur la laisse pour voir un autre chien, s’était lui-même infligé un coup. J’étais persuadée de l’avoir fait associé cette douleur à la présence d’un congénère et d’avoir détruit notre travail car je n’avais pas assez vite suivi son élan pour détendre la laisse.
Les échecs font peur, ils sont douloureux pour l’égo, nous ne voulons pas blesser notre meilleur ami. Cependant, ils font aussi partie de la vie. Votre loulou est plus résilient que vous ne le croyez, et vous ne redémarrez pas de zéro. Reprenez à une étape précédente, facile et sans échec possible pour vous rassurer vous et votre chien. Analysez votre erreur sans culpabiliser. Soyez bienveillant envers lui mais aussi avec vous.
4- Rester au même palier
La crainte de l’échec est récurrente chez les adeptes du positif qui ont peur de trop pousser leur chien, et c’est tout à leur honneur. Difficile de savoir quand essayer un rappel dans un milieu plus stimulant. Les posts d’éducateurs (dont ceux de Cynotopia) nous mettent sans cesse en garde : rater renforce le comportement non désiré ou met le chien en difficulté émotionnelle. Pourtant, il faut bien avancer à un moment, et choisir la guérison plutôt que de stagner dans les soins palliatifs. Votre meilleur ami vous en sera reconnaissant, alors prenez votre temps, attendez d’être vous-même prêt mais lancez-vous.
Pour vous aider, vous pouvez faire une grille à cocher. Réalisez dix fois un exercice, et si votre chien réussit facilement, passez à l’étape supérieure. S’il échoue, n’insistez pas, revenez à la précédente étape, mais un ratage ne condamne pas votre compagnon. Il faut surtout savoir doser et ne pas enchaîner les échecs ou vouloir accumuler les difficultés. Ne passez pas du rappel dans votre salon à un parc rempli de congénères par exemple, mais faites plutôt 10 rappels dans votre cuisine, puis 10 autres avec un jouet à terre, avant de passer à une ruelle déserte puis un parc à une heure calme. L’éducation positive permet de rééduquer pleinement un chien, pas seulement pallier le problème en restant loin à tout jamais des congénères par exemple.
5- Ne pas punir
Avant de vous offusquer, lisez attentivement la suite. En éducation positive, l’idée de sanctionner son chien n’est pas complètement tabou, c’est la violence qui l’est. Le P+ est l’apanage du balanced et du coercitif. Cela consiste à ajouter quelque chose de désagréable pour faire cesser un comportement non-désiré (tirer sur la laisse, collier étrangleur, collier électrique, gronder le chien). Le P- est l’outil du positif : nous retirons quelque chose d’agréable pour le chien qui doit cesser son comportement pour le retrouver. Fido tire en laisse pour aller plus vite vers ce buisson rempli d’odeurs ? L’humain stoppe et fait le poteau, empêchant le chien d’accéder à son trésor. S’il arrête de tirer, son référent marche à nouveau, permettant l’accès à l’objet désiré (retrouvez notre conférence s.o.s mon chien tire en laisse ici). Tant que Suspens n’est pas assise, je ne la laisse pas sortir (bien sûr, il y a eu un entraînement progressif avant pour qu’elle comprenne ce qu’il faut faire, et ne pas générer une énorme frustration). Au lieu de lui hurler dessus, j’attends simplement. La chienne se punit seule et sans violence : elle ne peut pas venir dans le salon.
N’hésitez donc pas à mettre en place de petits exercices ludiques pour apprendre à votre chien à obéir aux règles, puis à les respecter de lui-même. Encore une fois, l’éducation positive ne doit pas signifier laxisme. Il est donc normal d’imposer certaines limites, tant que cela est fait en douceur.
6- Être persuadé que son chien n’est pas fait pour le positif
À cause de cette idée de ne jamais sanctionner le chien, beaucoup sont persuadés que le leur a trop de problèmes, ou trop de caractère pour adopter l’éducation positive. C’est d’ailleurs un des arguments phares de certains détracteurs : “la saucisse c’est bon pour le chihuahua de mémère, mais un malinois, un vrai, faut le dompter”. Il y a pourtant de nombreux exemples de ces fameux bergers belges éduqués voire rééduqués grâce à la méthode bienveillante. Des molosses retirés des combats de chiens, des bergers de sécurité montés en positif aux réactifs prêts à être euthanasiés car trop dangereux, l’éducation positive correspond à tous les profils. Le secret ? L’anticipation.
Un bon éducateur sait préparer le terrain, gérer l’environnement et penser à toutes les étapes qui le mèneront à la réussite. Pas besoin de frapper, si l’on ne donne pas l’occasion au toutou de nous mordre. Nulle nécessité de hurler, si des commandes chuchotées sont correctement valorisées. Le chien, cet opportuniste, comprend très vite où est son intérêt et miracle il finit par prendre les bonnes décisions seul, sans avoir besoin d’un “au pied” ou “coucher” contrôlés qui masquent le véritable problème.
7- Mépriser ceux qui ne font pas partie de notre communauté
Les adeptes du positif viennent de divers horizons, et beaucoup sont issus du coercitif. Notre génération a souvent vu leur père réprimander Fido, le forcer à rester à sa place dehors ou sur le tapis, et le “dominer”. Changer de mœurs prend du temps, il faut rencontrer la bonne personne, être prêt. Ma propre adhésion au monde du positif a été retardée par deux mauvaises éducatrices qui répondaient réellement au mauvais cliché. Elles récompensaient mon réactif au petit bonheur la chance, lui ont présenté leur propre chien très agressif. Convaincue pendant longtemps que les positifs étaient des charlatans, j’ai dû accepter de repartir à zéro le jour où j’ai compris que j’avais tort. Le chemin est difficile, l’égo souffre énormément.
Si quelqu’un semble curieux, renseignez-le avec bienveillance, accompagnez-le et soyez tolérant avec ses erreurs. Cesser de pratiquer le P+ est loin d’être intuitif. C’est en faisant preuve de patience que vous ferez avancer la cause et la rendrez crédible. On ne peut pas refuser la violence contre les chiens, tout en acceptant d’en infliger à nos propres congénères.
8- Rester dans son cercle
N’hésitez pas à voir ce qui se passe ailleurs. Cherchez d’autres profils, variez vos sources. Personne ne vous demande de lire les blogs prônant l’utilisation du collier électrique, bien sûr, mais ne vous enfermez pas dans votre bulle. Afin de réellement prendre conscience du monde canin qui nous entoure, je n’hésite pas à suivre des pages d’éducateurs ouverts, avec qui je sais que la discussion reste possible. Je garde le bon, je jette ce qui ne correspond pas à mes valeurs. Vous seriez surpris de ce que vous pouvez apprendre (et pas forcément assimiler, personne ne vous y oblige !). Ouvrir son esprit avec bienveillance, chercher à comprendre, écouter autrui, c’est aussi l’attitude de l’éducation positive par extension.
Par chance, la méthode bienveillante gagne du terrain, tellement que s’en est devenu un argument de vente. Il faut donc faire attention aux charlatans, mais se réjouir de sa crédibilité grandissante. Les gens veulent bien éduquer leur chien, avoir une belle relation avec, sans recourir à la violence. À notre époque charnière, où la méthode bienveillante est davantage acceptée et banalisée que moquée, les phares sont braqués sur nous. C’est à notre génération de montrer combien l’éducation positive est tolérante, mais aussi disciplinée, capable de réhabiliter des chiens aux graves troubles comportementaux.