Cage pour chien : quand le confinement devient contrainte

Depuis qu’il a apprivoisé les animaux, l’humain a éprouvé le besoin de les cantonner à un espace. Des enclos pour les élever, des cages pour les transporter voire les éduquer. Le chien n’a pas échappé à la règle. Depuis qu’il a eu l’autorisation de franchir le seuil de nos foyers, les problèmes de comportement se sont multipliés : destructions, aboiements, débordements d’énergie. Pour y répondre rapidement, l’homme s’en est remis aux barreaux sécurisants de la cage. Aujourd’hui répandue en tant que moyen de transport, mais surtout comme outil éducatif, elle fait débat. Est-elle si contraignante ? Faut-il laisser Fido réduire le tapis en miettes ou anticiper les dégâts en l’enfermant ? Est-ce éthique d’utiliser le si réconfortant kennel et comment s’en passer ?

À l’origine créé pour transporter les chiens, le kennel s’est aujourd’hui démocratisé. On l’utilise pour enfermer le destructeur pendant les absences, faciliter l’apprentissage de la propreté, cadrer et calmer l’animal. D’ailleurs de nombreux éducateurs approuvent ces idées. Pourtant on sait aujourd’hui qu’elle est une source de détresse émotionnelle et sociale pour le chien. Utilisée à mauvais escient, elle cause plus de problèmes qu’elle n’en résous. Ceci dit, dans son rôle principal de transport sécurisant et de refuge temporaire, elle reste un excellent outil.  

 

La cage, cette terrifiante et formidable invention

Initialement créé pour transporter les chiens, le kennel a été pensé pour les sécuriser dans la voiture, en avion ou dans le train. Plusieurs études, dont celles publiées par la revue Veterinary Surgery et la revue Traffic Injury Prevention ont démontré que les animaux de compagnie en cage risquent des blessures moins graves que ceux simplement attachés à l’arrière du véhicule. La réglementation pour le transport en soute est très stricte à ce sujet : si toutou veut partir en vacances, il doit avoir une cage homologuée aux normes Européennes. 

L’utilité première du kennel ne laisse donc guère de place au débat. C’est un outil du quotidien nécessaire pour la sécurité de notre meilleur ami. Seulement, l’être humain lui a trouvé d’autres vocations au fil du temps. Dès leur naissance, les chiots ont une certaine notion d’hygiène, ils rampent loin de leur mère pour faire leurs besoins. Sur les conseils d’éducateurs, les nouveaux propriétaires enferment donc leur chiot dans un kennel, afin qu’il se retienne au maximum. Cette technique, largement vantée dans de nombreux articles, permet de contrôler les sorties du chiot et de limiter les échecs. Afin de gérer les éventuelles destructions certains préconisent la cage pendant les absences des propriétaires. Toutou ne peut pas effectuer les 100 pas dans la maison, se retrouver physiquement encadré le rassurerait. Enfin, lorsque le chien est dépassé par ses émotions, le kennel semblerait être un bon moyen de le canaliser. 

La cage, la fausse vraie solution à tous les problèmes

La cage sécurise apparemment les chiens, et surtout les propriétaires parfois désemparés. Enfermer son meilleur ami ne plaît à personne, mais mieux vaut le contraindre plutôt que l’abandonner car il a dévoré le AirBnb. Cependant, si les barreaux pallient le problème sur l’instant T, ils ne résolvent pas la raison pour laquelle Fido détruit. Retirez la cage après des années d’utilisation et Titus, jamais habitué à la liberté, refera la décoration de l’appartement. Pire, les chiots peuvent être désensibilisés à leur urine. Souvent relégués (un quart d’heure d’inattention suffit) dans leur enclos, ils font leurs besoins dedans, incapables de se retenir. Petit à petit, ils finissent par accepter ce fait contre-nature et ne résistent plus, souillant leur kennel. Le ré-apprentissage de la propreté est alors très compliqué car le concerné a perdu toute notion d’hygiène. D’une efficacité relative, le kennel implique des impacts physiques, émotionnels et sociaux non négligeables, s’il est utilisé à tort et à travers.

Chien en cage, facture salée du véto

Si les chiens d’élevage en chenils vous font de la peine, imaginez que la loi oblige leurs propriétaires à leur fournir un espace de 5m2. Les particuliers, eux, n’ont aucune taille réglementaire, et personne n’a de kennel avoisinant cette taille. Imaginez la détresse d’un chien qui peut, dans le meilleur des cas, s’asseoir et se coucher mais peine à se retourner. Pendant de longues heures, il ne peut pas se défouler, renifler, se rouler ou s’étirer. Réduit dans sa petite boîte en métal, il accumule douleurs musculaires et articulaires comme le démontre l’étude « The Behavioural and Physical Effects of Confining Dogs for Up to 24 Hours in a Crate » par R.E. Wansborough. Dès 8h de confinement, le chien ressent un mal-être physique. Karin E. Allenspach révèle d’ailleurs dans la revue Preventive Veterinary Medecine que l’espérance de vie des chiens confinés pendant de longues périodes est réduite. De plus, ils risquent fortement de développer plus de maladies chroniques. Tout ça sans parler des souffrances émotionnelles évidemment. 

 

Les chiens sont des êtres sensibles, capables de lire nos émotions et d’en ressentir des similaires. Les situations stressantes déclenchent de l’angoisse, sans oublier un certain abattement. Enfermé dans sa cage, Toutou ne peut pas renifler, observer à loisir, se déplacer. Malgré une friandise à mâcher pour l’occuper, il s’ennuie, comme vous lors du COVID. Si confortable soit la prison, elle demeure une prison. Mettre des barreaux entre Fido et la vie de la maison, c’est le couper de toute activité et de tout lien

 

Le mitard pour Fido

Sans contact avec ses pairs, isolé de vous qu’il ne peut observer et suivre comme il aime le faire, Titus ne peut répondre pleinement à son besoin social. Même sans interaction directe, le chien communique sans cesse avec son environnement, et faire la sieste à vos pieds compte comme un acte social. Notre meilleur ami a besoin de partager notre quotidien pour se sentir inclus. Malheureusement, beaucoup d’adeptes de la méthode cage-fourre-tout brandissent des vidéos où l’on voit le chien se jeter dans son “abri” précipitamment comme de l’argument phare. Qui se réfugiait dans un lieu qui le terrifie ? La réponse est simple : Médor, s’il considère que son environnement est encore plus dangereux que la cage. Si son humain cesse de lui hurler dessus une fois qu’il est dedans, le chien choisit instinctivement le “moins pire”, autrement dit sa prison. 

En soi, un chien ne hait pas intrinsèquement le kennel, surtout s’il est correctement introduit. Mais il y a un fossé entre aimer y rentrer pour avoir une friandise et y rester des heures, ou encore y dormir porte ouverte ou se retrouver enfermé. Un animal ayant appris qu’il ne peut pas s’échapper se contente d’accepter la situation, résigné. C’est ce que l’on appelle la détresse acquise. Que Toutou reste sage des heures derrière les barreaux ne signifie pas qu’il aime sa cellule. 

La cage isole un animal qui a de grands besoins physiques, émotionnels et sociables, elle est totalement contre-nature dans ce genre de cas. La logique voudrait donc qu’on l’interdise cet outil traumatisant pour Médor… Du moins que l’on régule davantage son utilisation, car bien introduite et employée de manière adéquate, ce n’est pas un objet de torture, loin de là. 

À l’heure de signer la trêve avec le kennel 

La manière dont on présente la cage au chien change déjà beaucoup de choses. De nombreux propriétaires montent les 4 grilles et forcent Toutou à s’y loger. Le concerné finit par accepter d’y séjourner, prenant parfois les devants afin d’éviter qu’on ne le pousse dedans. En revanche, d’autres personnes comme Susan Garrett prennent réellement le temps de créer une association positive avec l’objet. Cette dernière a créé un jeu pour que le chien se sente réellement à l’aise dans le kennel, et ce bien-être est durable car elle n’abuse jamais de son utilisation. 

Outre sa nécessité pour le transport, la cage tant décriée conserve certains atouts. Nous conseillons même vivement tout particulier à en acquérir une. Mais avant de nous hurler dessus, lisez nos recommandations : Le chien fera forcément face, un jour, à cet objet. Que ce soit pour voyager ou dans le cabinet vétérinaire à la suite d’une opération en vous attendant, ou pire encore, à cause d’une urgence. Ne pas l’y avoir habitué contribue à imposer à Fido une énorme source de stress alors qu’il souffre déjà. Lorsque Syel s’est faite opérée des dents, la vétérinaire était ébahie par son calme. Tout s’est bien passé au réveil, parce qu’elle était habituée à être en cage. Elle m’a attendue sagement, sans démontrer le moindre signe de stress.

C’est pourquoi nous pensons qu’il peut être utile d’enseigner à Titus à entrer dans ce lieu exigu. Que vous choisissiez le leurre ou le shaping, récompensez abondamment chaque étape de progression : renifler la grille, poser une patte dedans, puis deux, rester quelques secondes cage ouverte et enfin une demi-heure. Faites de courtes séances, toujours positives et respectez les limites de Fido. Ce qui n’est pas acquis aujourd’hui le sera demain. 

 

 

La cage, un refuge réconfortant à emmener partout avec vous 

Si on en respecte bien l’emploi, la cage peut devenir un véritable refuge. Lors d’événements sportifs ou d’expositions par exemple, certains chiens ont besoin de s’isoler. L’environnement est saturé de stimulus, bondé de congénères agressifs ou peureux qui risquent de le contaminer. À l’abri dans sa cage (sur un coin du terrain ou dans la voiture, bien à l’ombre), Fido peut se reposer. Pour les plus sensibles, une couverture posée sur les grilles peut les plonger dans une semi-obscurité rassurante. Temporairement, nous pouvons aussi proposer à Rex de se poser dans sa cage si nous allons chez des amis, afin qu’il retrouve un endroit familier dans cette maison inconnue.

Quand Suspens était petite et que le relax était en cours d’apprentissage, je la mettais dans une grande cage en tissu. Elle pouvait ainsi m’observer à loisir, sans gêner les passants, ni être embêtée par un chien harceleur surgi de nulle part. Tant que ce confinement reste une étape de l’apprentissage, il n’y a pas de mal à l’utiliser. Le problème survient quand l’outil devient la finalité, qu’il n’y a plus de recherche de progression par praticité

(Suspens et sa sœur Sanari (4 mois) dans une exposition canine, dormant dans leur cage en attendant leur tour)

Quand on ne s’en sert pas pour “stocker” son chien dont on en a marre, la cage représente de nombreux atouts. Elle est physiquement et mentalement sécurisante, à condition de rester la majorité du temps, pliée dans un de vos placards, et d’être sortie à certaines occasions. Ne boudez donc pas cet outil, mais utilisez-le avec parcimonie.