Jadis moquée, l’éducation positive est aujourd’hui de plus en plus valorisée. Certes, les vieilles théories de la dominance demeurent, mais on lui accorde généralement moins de crédibilité. Ce qui devait être une bonne nouvelle devient un phénomène à double tranchant lorsqu’on connaît l’être Humain. En effet, victime de son succès, l’éducation positive est devenue un outil marketing. Comment réellement trouver un professionnel qui applique la méthode positive ? Comment démasquer les charlatans qui tentent d’attirer une clientèle de plus en plus frileuse face au coercitif ?
Difficile, aujourd’hui, de prôner ouvertement que l’on pratique l’éducation traditionnelle. C’est l’un des meilleurs signes des progrès en matière de bien-être animal observable aujourd’hui. L’éducateur cherche à rassurer son client en promettant d’utiliser des méthodes respectueuses envers le chien. Le positif est un outil de marketing si puissant que certains ont même essayé de déposer la marque “éducation bienveillante et respectueuse”. S’il se contente de seriner qu’on doit ignorer les erreurs de Toutou, le récompenser quoiqu’il arrive. S’il affirme que la bienveillance ne fonctionne pas avec les molosses ou les chiens têtus, vous avez probablement affaire à un faux positif.
Évaluer un éducateur avant la rencontre
On dit souvent que la couverture ne fait pas le livre, mais l’observer aide quand même à se faire une idée du type de roman. Nous pouvons ainsi faire un premier écrémage et s’épargner de mauvaises rencontres. Cherchez le nom de l’éducateur visé sur les réseaux sociaux, beaucoup y sont inscrits. Lisez les avis de clients mais aussi et surtout, les postes écrits par le professionnel. L’un des red flags les plus évidents bien sûr : la théorie de la dominance, que ce soit interspécifique et intraspécifique. Quelque soit la race de l’animal, ce dernier n’a aucune intention de conquérir le monde ou de soumettre son propriétaire.
Essayez de voir s’il a des vidéos ou des stories montrant son travail : utilise-t-il un collier étrangleur ? Met-il des réactifs mal à l’aise en contact avec d’autres congénères ? S’approche-t-il, même gentiment, d’un animal qui montre son inconfort ? Un éducateur en positif ne force pas l’approche, il fonctionne beaucoup par anticipation. Enfin, observez des petits signes discrets comme sa manière de tenir la laisse : tire-t-il dessus ? Sans tomber dans la paranoïa ou juger sur une seule vidéo, fouillez et faites-vous une idée de sa méthode.
Méfiez-vous des avants/après spectaculaires, obtenus par le même processus à chaque fois. Le héros poilu de la vidéo qui aboyait finit sagement au pied ? Le peureux compulsif semble guéri et se promène collé à la jambe de l’éducateur ? L’excité du bocal a eu une révélation et file doux au bout de sa laisse ? Si le professionnel semble régler tous les soucis avec une belle marche au pied, c’est qu’il traite les conséquences et non les causes. On n’apprend pas à un chien à ne plus aboyer en l’occupant à autre chose, mais en essayant de comprendre pourquoi il agit de la sorte. Ce sont de multiples petits exercices progressifs et adaptés qui aident vraiment un chien à avancer.
La première rencontre
Le bonjour : test ultime
Lorsque l’éducateur arrive, observez attentivement comment il se présente. Il devrait vous demander s’il peut s’approcher sans risquer de stresser votre loulou et respecter son espace. Si gentil semble-t-il, il n’a pas à forcer les salutations, même pour vous serrer la main. D’ailleurs, certains n’hésitent pas à demander au client de laisser leur chien dans la voiture afin de discuter tranquillement avant. Pour ne pas imposer une rencontre frontale avec un congénère, il ne devrait pas non plus venir directement avec son propre chien. Même si les deux sont très sociables, un éducateur en positif prendra le temps de s’assurer que Médor est à l’aise avec les siens. Un particulier peut ne pas repérer les signes d’une quelconque anxiété, c’est au professionnel d’y faire attention et d’anticiper des soucis.
Pendant la classe
Non, votre éducateur ne doit pas attraper la laisse de Fido pour gérer la situation, sauf si ce dernier semble particulièrement détendu. Durant le cours, il observe fréquemment les signaux de votre ami. Face à un déclencheur potentiel- y compris un de ceux dont vous ne lui avez pas parlé- il vous demande de reculer avec votre compagnon à quatre pattes afin de respecter sa zone de confort. Jamais il ne doit vous conseiller d’ignorer son mal-être, vous engager à passer devant la bouche d’égoût qui l’effraye en forçant ou en l’encourageant. Il prend le temps qu’il faut pour permettre à votre duo de surmonter les obstacles calmement, au rythme du chien. Même si vous deviez travailler sa réactivité à l’origine, le professionnel ne doit pas négliger une nouvelle difficulté comme un objet qui effraye votre ami.
Le positif intermittent
Non seulement votre éducateur ne doit pas ignorer la détresse de votre chien, mais il ne doit pas non plus le réprimander. Cela peut paraître évident, mais beaucoup de faux positifs se font démasquer grâce à cette subtile erreur. Certes, ils récompensent Fido quand ce dernier fait quelque chose de bien, mais ils lèvent un peu la voix, tirent sur la laisse ou avancent plus vite face à un obstacle. Aucune friandise ne pardonne un “pas bouger” fermement asséné ou un “non” pour décourager Lassie d’aller voir un autre chien. En situation réelle, ce genre de réflexes échappe souvent aux faux positifs, même aguerris. Surveillez donc la bienveillance de votre éducateur, mais aussi ses réactions face à un cas critique.
L’ignorance n’est pas positive
Non, “ne rien faire” n’est pas synonyme de bienveillance. Laisser passivement Rex aboyer face à un congénère en priant pour qu’il se calme, puis lui enfourner une saucisse dans la gueule ne marche pas. Un éducateur en positif agit en amont. S’il voit le loulou mal à l’aise, il vous demande de reculer avant que ce dernier ne déclenche, et si cela arrive (nous travaillons avec du Vivant, on ne sait jamais), il vous aide à le détourner. Gérant beaucoup son environnement, l’éducateur cible le problème de votre chien pour l’y confronter le moins possible et il travaille par petites étapes. Le but ? Éviter de mettre son élève poilu en échec. Après une rencontre négative, prend-il le temps de remettre votre ami en confiance ? Ou reprend-t-il le cours comme si de rien n’était. Cette étape compte aussi beaucoup et est assez indicatrice.
Les faux positifs qui se révèlent
Certains malins savent jouer leur rôle presque parfaitement, mais leur impatience finit par se voir. Lorsque j’étais en Espagne, après avoir connu de nombreux déboires avec la méthode coercitive, j’ai beaucoup insisté pour avoir un éducateur en positif. L’un d’eux m’a promis monts et merveilles. De fait, au début il était plutôt correct malgré une présentation immédiate face à mon chien réactif (malheureusement je n’avais pas assez de connaissances pour m’en apercevoir). Au fil de la séance, toutefois, il a commencé à montrer des signes inquiétants : petits soupirs agacés, aucun réflexe pour récompenser ma chienne quand elle faisait de micro-avancées, tirages en laisse. Il a fini par me dire, énervé, que certains animaux plus têtus ont besoin de fermeté, que la méthode positive ne fonctionne pas avec tous, notamment avec ma bergère, trop engoncée dans sa réactivité “Tu sais, moi j’ai bossé avec des chiens de défense, il a bien fallu que j’en jette un par terre car il ne voulait pas travailler. Il avait trop de caractère pour le positif.” Tôt ou tard, celui qui ne croit pas en la méthode qu’il prône finit par y déroger. En tout cas, rassurez-vous, après cette classe, le bonhomme ne m’a plus jamais revu.
Même un lourd molosse de 80 kilos n’a pas besoin de collier étrangleur. Les excuses telles que la race, la taille ou la dangerosité du chien ne justifient aucunement l’utilisation d’un outil coercitif : collier électrique ou à vibrations, collier lasso, à pointes etc. La muselière, en revanche, souvent mal vue, est une grande alliée tout à fait acceptable si elle est introduite adéquatement. Et oui, un éducateur qui colle un grillage derechef sur le nez de votre sensible est aussi un red flag.
Les faux positifs honnêtes
Ce sont les plus difficiles à éviter car ils sont sincères. Parmi toutes les méthodes employées aujourd’hui, certaines sont entre-deux. Ce type d’éducateur vous promet d’être en positif, cela sonne vrai car il y croit vraiment. Il récompense fréquemment Fido, lui parle gentiment mais cela ne l’empêche pas de le pousser. Souhaitant sincèrement des résultats pour satisfaire son client, il entraîne un chien qui freine un peu à sa suite, force la caresse malgré les sursauts de l’animal. Parfois, il râle légèrement ou précipite les choses gentiment, rien d’horrible, surtout qu’il félicite chaudement votre ami par la suite. Malheureusement, ce n’est pas une méthode réellement positive, puisqu’il compte sur la résilience de Toutou pour l’obliger à surpasser ses craintes.
Que faut-il en conclure ?
Si certains éducateurs sont réellement mal intentionnés, d’autres pensent réellement bien faire. Difficile de dénouer le vrai du faux, alors inutile de s’acharner sur certains profils, de haïr les commerçants du positif. Concentrez-vous sur les critères cités dans cet article pour assurer à votre duo, le meilleur suivi. Enfin, n’oubliez pas de valoriser le feeling que vous avez avec votre professionnel. Nous avons tendance à l’oublier, mais l’humain aussi doit se sentir à l’aise et en confiance avec son meilleur allié.