« Conditionner c’est robotiser » ce mensonge dénué de sens

Lorsqu’on parle de l’éducation d’un chien (et parfois de celle des enfants), ce mot « conditionnement » effleure probablement vos oreilles. Et il y a de fortes chances pour que vous le refréniez telle une insulte honteuse. Aujourd’hui, diabolisé dans certains courants de l’éducation, ce mot est soigneusement évité car associé à « robotisation » de l’animal.

 Comme si « conditionner » enlevait toute substance à un être vivant. Mais est-ce vrai ?

 

Qu’est-ce que le conditionnement ?

Dire que le conditionnement est « néfaste » est un manque de compréhension de ce dernier. Il est tout bonnement impossible de vivre sans lui.

Si vous avez décidé, petit, de toucher une plaque électrique allumée malgré l’interdiction de vos parents, vous vous êtes brûlé. Et à moins d’être masochiste, on ne vous y reprendra plus. Votre cerveau a associé une action à une conséquence négative. L’association plaque = brûlure vous a conditionné à ne plus jamais toucher une plaque allumée.

Le chien apprend, lui aussi, de ses propres expériences. C’est ce qui, d’ailleurs, construit ses peurs, ses bonnes et ses mauvaises habitudes. Il y a des millénaires, l’un d’eux a associé la présence de l’homme à de la nourriture facile puis, plus tard à de l’affection, et le voilà conditionné à nous aimer.

Dans la vie quotidienne, Fido ne se prive pas du conditionnement, puisqu’il progresse grâce à ses observations : S’il a pu déguster un délicieux reste de sandwich au sol, il apprendra que c’est positif (pas pour vous, certes). Son cerveau l’encouragera à recommencer. Fido agressé par un congénère, selon sa sensibilité, pourra par la suite les craindre.

L’interaction sociale est même un puissant renforçateur pour nos chiens domestiques. Ils peuvent n’être conditionnés qu’avec une marque d’affection sociale seulement !

Saviez-vous que dans certains pays, les chiens errants ont appris, au fil des générations à prendre le métro ? Tolérés dans ce moyen de transport typiquement humain, ils le prennent pour aller en ville dans la journée, puis rentrer le soir. Là aussi, cette atypique habitude découle d’un conditionnement aux conséquences positives : plus de nourriture en ville !

 

Dans le milieu naturel, le conditionnement est synonyme d’adaptation.

Dans notre monde, il rime avec obéissance. Ces tricks originaux que nous apprenons à nos amis, symbole de notre complicité relève du conditionnement. Si donner la patte = une croquette, vous risquez de l’avoir toute la journée. Votre chien essaierait-il de vous conditionner aussi ? Probablement, surtout lorsqu’il prend l’initiative hors session de travail et cherche à déclencher votre « clic ».

Pensez à ces petites choses quotidiennes, que votre chien a su vous apprendre en vous « conditionnant » . Un grattement de porte, vous souhaitez éviter les rayures, alors vous vous précipitez pour ouvrir. Leçon apprise, dès qu’il voudra entrer, il grattera la porte. Comme vous êtes un maître respectueux de vos promesses, et finalement, bien obéissant, vous récompenserez à nouveau. Vous voilà réciproquement conditionnés : lui à exécuter le tour, vous à féliciter.

 

Alors, le conditionnement, c’est le mal ?

«. Pour beaucoup, le conditionnement est vu comme un emprisonnement, une limitation à l’expression de la personnalité de l’animal. Est-ce vraiment le cas ?

Oui et non. Le tout est de savoir doser.

Conditionner Médor pour qu’il se couche à volonté n’est pas naturel, pas plus que de s’arrêter aux trottoirs. Pourtant, rien qu’un bon rappel peut lui sauver la vie, parce que notre monde n’est pas naturel pour lui. Sur une terre sans hommes, les chiens apprendraient par eux-mêmes et évolueraient selon leurs expériences. Personne n’interviendrait pour changer une donnée dans leur génétique.

Mais nous sommes là, ils vivent chez nous, et notre monde est dangereux.

Le conditionnement, autrement dit l’obéissance (j’entends les mâchoires claquer, et ce ne sont pas celles des chiens) est nécessaire pour la propre survie de l’animal, parce qu’il est incapable d’apprendre certaines choses par lui-même. Quoi qu’on en dise, le chien a peu d’instinct de préservation. Même après avoir mangé du chocolat et frôlé la mort, il en gobera une plaquette avec joie si l’occasion se présente à nouveau. (Besoin d’aide ? → Mon chien mange tout ce qui traîne)

Savamment dosée, « l’obéissance » peut permettre à l’animal d’évoluer en toute sécurité sans pour autant lui dérober sa personnalité. Vous n’auriez jamais l’idée d’imposer une session tricks à un chien qui ne veut pas. On le laisse tranquille, on attend de voir s’il est motivé.. Parce que son refus ne relève plus de sa sécurité absolue, c’est simplement son état d’esprit du moment qui s’exprime.

 

L’éduquer, pour parer aux situations d’urgence

Pour sa liberté, son bien-être si l’on compte l’emmener partager nos aventures, gambader en ville ou voyager, le conditionnement est la clé. Imaginez-vous, un chien en plein marché de Noël qui vole des saucisses, chaparde un vin chaud et finalement, s’enfuit faire un tour ? Vous pouvez éviter cela en le laissant chez vous, contempler les fenêtres qui gèlent (ce n’est pas un mal !) ou essayer de le conditionner pour qu’il respecte un minimum nos conventions humaines. En bon citoyen canin possesseur d’une puce électronique, lui aussi à ses devoirs : ne pas sauter sur les gens, ne pas fuir si la laisse vous échappe, laisser les pauvres matous tranquilles…

 

La discipline ne veut pas dire robotisation ou brutalité, au contraire, elle signifie dans de nombreux cas plus de liberté !

On peut se montrer exigeant tout en se montrant doux. Par exemple via le shaping pour vanter les bienfaits de la position assise sur les bords de trottoir. Il y a peu, mon chien s’est échappé pour chaparder des restes au sol. Grâce au conditionnement positif, il est presque immédiatement revenu dans mes bras. Ceci dit, je n’étais pas satisfaite, car l’obéissance doit, sur certains points, être sans faille.

Alors on y vient, la parfaite exécution des ordres, c’est pour les machines !

Ou pour les maîtres qui veulent offrir de la liberté à leur animal sans risquer leur vie…

Le fait que mon chien revienne une minute plus tard au lieu de 10 secondes suppose une croissance exponentielle des risques : qu’il aille sur la route, embête quelqu’un, trouve un autre met, cette fois empoisonné, soit effrayé par un gros bruit, se perde… Bref, la liberté à un prix. Ce n’est même pas une question de la mériter sinon de pouvoir continuer à en profiter.

Pour le rappel, dix secondes en trop, c’est parfois dix secondes trop tard.

 

La liberté, à quel prix finalement ?

Vous vous en doutez, il y a une limite acceptable, un prix plafond au-delà duquel personne ne devrait admettre de sortir son portefeuille. Pour la liberté : c’est celui de la violence. Il est inadmissible d’accepter de traumatiser l’animal au nom de la liberté.

C’est non seulement peu éthique, et surtout, inefficace. Un collier électrique poussera Fido à vous craindre, à obéir par pure terreur, l’enfermant dans un auto conditionnement de survie. La laisse sera devenue inutile parce que son cerveau servira de corde. Incapable de s’autoriser le moindre geste sans votre consentement, il s’éteindra. Perdant son sens de l’initiative, sa vivacité, et finalement, sa personnalité.

Cette instabilité peut donner lieu à une réaction imprévisible de la part du chien qui n’a plus confiance en son humain. Seul au monde, face à ses peurs, il peut décider de régler le souci seul au lieu de quémander votre aide. On cite à la pelle : réactivité envers un congénère, fuite folle… On en revient au point de départ (en pire puisqu’il faut ajouter le traumatisme): chien instable = vie en laisse.

Puisque les méthodes coercitives sont à bannir, on favorisera l’anticipation. N’ayons plus peur de garder le chien attaché aussi longtemps que nécessaire (longe par ex) pour éviter les échecs et renforcer les réussites. La patience est finalement le vrai prix de la liberté, et c’est à nous de le payer plus que Fido. Quelques mois (ou années) de travail, quelques révisions pour toute une vie de bonheur, à bien y penser ce n’est pas si cher.

Profitez de ce temps pour observer l’animal, apprendre à vous faire confiance (parfois, lâcher Fido n‘est pas simple) et renforcer votre lien. Ces heures accumulées, passées à travailler vous feront gagner un temps précieux, ainsi qu’une tranquillité d’esprit enviable. En éducation canine, surtout celle positive, il ne faut jamais être pressé sinon viser la durabilité et la qualité.

 

Conditionnement et tricks, une sale réputation commune

Si votre chien aime, pourquoi hésiter à en faire ? Les rêveurs verront ce conditionnement « réciproque » poétiquement : comme un genre d’Esperanto où chien et humain créent une langue intermédiaire afin de communiquer. Les plus terre-à-terre y verront la simple exécution de la théorie de Pavlov dans laquelle les deux trouvent leur compte : l’un mange, l’autre s’amuse.

En tout cas, si votre chien n’a jamais été brimé, réprimandé injustement ou poussé, il saura vous faire comprendre si les tricks lui plaisent au-delà des croquettes qui tombent (évitement, manque de dynamisme). Fido sait s’exprimer. À nous de l’écouter et de voir.

 

Conditionner n’est pas synonyme de « brutalité »

Il existe de nombreuses méthodes positives qui anticipent les échecs. En longe, récompensé à chaque fois qu’il voit des restes par terre sans y toucher, mon chien va apprendre à ne plus prendre le béton pour une assiette. Il va associer cette nourriture délaissée à une meilleure friandise que je lui donnerai. C’est du pur conditionnement visant à obtenir une sécurité salutaire, cela ne gomme pas sa personnalité puisqu’au final, il choisit librement ce qui est dans son intérêt.

 

Positif ne veut pas dire laxiste.

Nous guidons le chien vers un comportement que nous souhaitons obtenir, certains y verront toujours une forme de manipulation alors que d’autres parleront strictement d’éducation. Le positif n’empêche pas la discipline parfaite, mais il ne signifie pas non plus le laxisme.

À nous d’apprendre à savoir distinguer ce qui doit être obligatoirement conditionné de ce qui est accessoire.

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