Pourquoi les méthodes “fast-food pour éduquer son chien” ne marchent pas

Nous aimons les plans bien tracés avec une garantie de succès. Des étapes bien propres, qu’on peut considérer comme acquises et ne plus y repenser. Problème : en tant qu’être vivant sensible, le chien n’est pas une commode Ikea. Son âge, son passif, sa race, l’expérience de son humain seront autant de critères qui le feront évoluer plus ou moins vite par rapport à la moyenne. Et quand, pour le programme; la “moyenne” c’est le chien de l’éducateur, alors les données sont totalement faussées.

Il est très compliqué de tenir un rythme défini pour tous les duos, qui évoluent tous de différentes façons, avec différentes priorités. Apprendre la marche en laisse sans tirer est un fondamental pour beaucoup. Mais un jeune chien de berger pourra proposer une suite attentive dès le premier jour, et un vieux rescapé mettra bien plus de temps pour accepter la tension de la laisse. Enfin, plus on se vante d’éduquer vite, plus il faut se poser la question de la méthode utilisée, et des impacts sur le chien.

Si on pouvait éduquer un chien comme on chauffe un hamburger ça se saurait

Étrangement, on ne voit pas tant que ça des chiens marchant tranquillement au pied de leur humain, répondant à leur rappel et communiquant sainement avec leurs pairs. En fait, c’est même le contraire. Combien de fois n’a-t-on pas été dérangé pendant nos balades par des chiens hors de contrôle se jetant sur les nôtres, ou changé de trottoir en voyant un duo bavant et aboyant arriver en face ? Faudrait-il penser que leurs humains ne souhaitent pas avoir une vie plus paisible ? Qui ne rêve pas de ce chien qui marche avec nous au lieu de nous tracter ? Qu’on peut lâcher partout parce qu’il gravite autour de nous et revient nous voir lorsqu’on lui demande d’un chuchotement ? 

Et si c’était possible, pourquoi les éducateurs n’ont-ils tous pas une meute de chiens irréprochables ? Cela signifierait donc que chaque propriétaire déciderait en toute âme et conscience, de ne pas “dresser” leur chien en un mois de temps. 

Qui préfère rentrer du travail avec un appartement ravagé ? Qui déciderait de laisser son chien être terrifié par ses congénères ? Pire, qui laisserait son chien attaquer des enfants en sachant qu’il pourrait les adorer en quatre semaines ?

Peut-être parce que ce n’est pas si simple que ça.

On apprend pas tous au même rythme et de la même façon

En théorie, nous avons tous suivi un tutoriel pour créer, monter ou bricoler quelque chose. Pour certains, c’est une recette, pour d’autres, ce sera un meuble Ikea. Selon vos compétences, ce processus a été soit très court, soit extrêmement laborieux. Bonus si vous l’avez fait avec quelqu’un (ou en même temps) et que son expérience a été opposée à la votre. 

Il était bien plus rapide à comprendre et à synthétiser les informations, ou au contraire, il vous semblait lent, un peu bête, et il fallait lui expliquer douze fois comment exécuter l’étape 1. 

Pour les enfants et un problème de maths ? C’est pareil.

Pour les chiens et un rappel ? C’est pareil. 

Certains sujets vont très naturellement chercher le contact et l’interaction avec l’humain. D’autres non. Certains toutous très doués ont un humain pataud et pas très concerné et perdent leurs aptitudes. Au contraire, avec un propriétaire investi et bienveillant, n’importe quel élève pourra briller. 

Vous devinez bien où je veux en venir…

Il est impossible de poser une durée fixe sur un apprentissage (encore moins si on ne connaît pas l’élève !)

Personne n’est en capacité de nous dire quand Toutou sera éduqué ou pourra se passer des aides (laisse pour la sécurité, friandises pour la motivation…). Sur une base commune, la plupart des élèves apprendront plus vite, parce que chaque base renforcera la suivante. Cependant, personne ne peut estimer la vitesse d’apprentissage d’un élève. Fido apprendra très vite “assis” et “couché” mais mettra longtemps à appréhender le “debout”. Brutus traînera sur les trois premiers apprentissages, puis soudain il comprendra les trois suivants en une seule fois. 

Dans le contexte de formations en ligne, c’est encore plus aléatoire. 

Elles sont préparées à l’avance, délivrées semaines par semaines, parfois jour après jour. En cela, rien de dérangeant. Toutes les formations en ligne ne sont pas mauvaises, surtout quand elles sont préparées par des éducateurs vraiment formés. Mais quand une promesse d’efficacité sert d’argument marketing pour l’achat de programme, ça coince. Parce que si la formation dure trois semaines, on attend que le binôme suive cette durée pour tenir les objectifs. 

Et ça, ce n’est absolument pas possible. A moins de sélectionner très soigneusement les profils (sur le niveau des humains ou sur l’âge du chien) ces programmes ne pourront pas être suivis par tout le monde de la même façon.

Chez les humains, tant de critères jouent ! L’âge, l’expérience avec les chiens, les horaires de travail, la présence d’enfants… Pour les chiens, la race compte aussi, mais également la motivation sur la nourriture, le niveau d’éducation, le passé, l’hérédité, la présence ou non de troubles comportementaux…

On peut accélérer le processus, mais au détriment du chien

Alors bon, oui, on peut « dresser » un chien plus vite. Fido tirera moins en laisse si on combine un collier à piques et de gros coups de laisse. Il va revenir au grand galop si on le gratifie d’un choc électrique s’il ne se retourne pas lorsqu’on hurle son nom. Bien sûr, quand on enlève les « outils éducatifs » ce n’est plus la même histoire, et les comportements de base reviennent tout aussi vite. Mais même sans matériel, on peut aisément intimider suffisamment la plupart des chiens pour les forcer à l’immobilité. On appuie sur leur dos pour les asseoir et on gueule dès qu’ils bougent une oreille. On les prend par le cou et on vocifère s’ils ont vidé la poubelle.

Oui, ça marche assez pour qu’en 2022, on en soit encore là.

Maintenant, est-ce que c’est le genre de relation que vous voulez avec un chien ?

Est-ce qu’on peut vraiment hurler pendant deux mois sur notre compagnon et espérer qu’il maintienne ses comportements sans aucune conséquence sur son mental, sa confiance en nous et sa volonté de nous faire plaisir ?

Franchement, non.

Tout apprendre en positif, c’est long. Mais l’avantage, c’est que les conséquences sont durables. Du coup, on en utilise souvent le nom pour vendre des méthodes qui ne le sont pas forcément.

Eduquer un chien, ça prend du temps (sans blague)

Résumons un peu ce qu’on attend de nos chiens civilisés – c’est pharaonique. Il doit…

  • vivre à notre rythme, manger, sortir et dormir quand on le demande
  • respecter notre logement et l’ameublement
  • rester calme 23h par jour, et énergique quand on a envie de jouer ou de taper un jogging
  • éviter d’émettre un seul son, sauf pour protéger la maison (mais pas des invités)
  • brimer ses envies et ne pas creuser, chasser, se salir, sauter sur les gens pour exprimer sa joie…
  • Il ne doit pas avoir peur des autres chiens, mais pas être trop sociable non plus
  • Il est bien sûr obligé d’avoir une éducation irréprochable, marcher au pied, revenir quand on l’appelle, faire assis-couché-au panier
  • Se laisser caresser par tout le monde et adorer les enfants
  • Et la liste serait longue si l’article pouvait faire 15 pages !

Sur les forums ou groupes facebook, des propriétaires outrés se plaignent de chiots de trois mois qui ont fait pipi sur le tapis. Qu’un malinois morde le bas des pantalons ou qu’un beagle hurle dans le jardin.

Mais, en dépit de l’âge, de la race ou du passif du chien, on devrait pouvoir lui apprendre tout ça en… 30 jours ?

Sans bien sûr, chercher à expliquer de concept d’échelle de valeurs au propriétaire moyen, ou des difficultés que peuvent poser les distractions pendant l’apprentissage ?

Ce n’est honnêtement, pas possible.

Oui, on peut éduquer un chien jusqu’à lui apprendre à respecter les trottoirs de lui-même, ou s’arrêter sur demande après avoir lancé sa balle préférée. Mais pour cela, il faut du temps, et surtout, beaucoup de bienveillance. L’apprentissage ne devrait jamais être une corvée pour le chien.

Ils en parlent mieux que nous : témoignages d’anciens « clients »

On pourrait difficilement parler d’élèves lorsqu’on apprend que « les 10 premières vidéos étaient destinées à mettre une hiérarchie et isoler le chien pendant qu’on prépare les repas, mange, ou travaille, et 3 vidéos n’étaient que des publicités pour acheter une autre formations. »

Yes ! Encore de la hiérarchie, nous revoilà repartis en 1960 !

Grâce à un questionnaire anonyme, nous avons demandé l’avis de propriétaires ayant suivi ces formations. Leur point commun ? Elles promettent toutes un résultat en moins d’un mois.

1. Le découragement d’une formation non adaptée

Sur 44 personnes, 68% ont suivi une formation autour de 20 jours, et 16% sur un mois. Pour ceux qui ont terminé la formation (92%), leur dernier cours a été délivré il y a plus d’un an pour 87%, de quoi nous assurer un retour sur les témoignages.

Sur les choix multiples, le découragement relève des points récurrents :

–   Le chien démo réussissait tout du premier coup alors que le mien non, je n’arrivais pas à gérer les erreurs (65%)

–   La méthode d’éducation vendue comme positive ne l’était pas et ne me convenait pas (72%)

–   Je suivais les indications à la lettre mais mon chien ne comprenait pas (32%)

Certains ont précisé que la formation était vendue comme « tous publics » mais les débutants et avancés ne s’y retrouvaient pas (« On a passé plusieurs cours à apprendre le assis alors que l’éducateur m’avait assuré que c’était un approfondissement des bases »)

2. Des pubs insistantes qui poussent à l’achat, et la désillusion devant le contenu

Sur les questions à choix multiples, on comprend l’axe marketing :

–   La promesse de résultats rapides est cochée par 63% des participants

–   J’ai tellement vu de pubs que j’ai fini par craquer (41%)

Malheureusement, le contenu n’était pas à la hauteur du budget pub.

« À partir du 8e cours, l’éducateur se répétait et on n’avançait plus. Il fallait acheter la méthode suivante. Et avec le recul, il racontait beaucoup de bêtises. »

« Beaucoup trop commercial, a pousser à acheter plus en continu et publicité mensongère la plupart des témoignages sont sorti de leurs contexte. »

L’un ajoute avec humour « Il faut vraiment que cet éducateur arrête de gueuler dans toutes ses vidéos promo……. Et qu’il remette ses connaissances à jour ! »

Seules 4 personnes recommanderaient la formation après l’avoir suivie.

3. Les conséquences (très) négatives des exercices recommandés

Les méthodes d’éducation ont énormément posé problème, à juste titre : « Il était conseiller de réprimander le chien en lui jetant une canette rempli de boulon, ou avec un pistolet à eau.. »

Les impacts émotionnels sur le duo humain/chien ne sont pas négligeables, et certains retours serrent le cœur.

« Je suis passé d’un chien gentil mais un peu désobéissant à un chien qui avait peur de moi, du collier, des humains d’une manière général… J’ai été très con et regrette encore ! »

Heureusement, beaucoup précisent avoir trouvé un éducateur/trice en positif et récupéré les dommages de ces formations délétères. Cependant, la facture est amère.

« C’est dangereux pour le chien. Et je culpabilise maintenant d’avoir cède à la facilité. »

« Mon chien était terrorisé à la fin de la formation »

Certains s’en sont rendus compte, et n’ont pas terminé le programme : « L’éducateur prônait des méthodes d’éducation non positives, et véhiculait des idées dépassées, type « Si le chien pose ses pattes sur vos cuisses/au niveau de vos épaules, il cherche à vous dominer » ou encore « S’il ne s’assoie pas au bout de 2 demandes, faites-le asseoir en appuyant sur sa croupe » »

Un dernier conclut : « La culpabilité quand on se rend compte de l’erreur, c’est ça qui coûte le plus cher. »

1 réflexion au sujet de « Pourquoi les méthodes “fast-food pour éduquer son chien” ne marchent pas »

  1. Je lis pas souvent d’article mais j’avoue que la story sur Instagram m’a intrigué et purée c’est fou de se dire qu’aujourd’hui on peut encore utiliser ses méthodes alors que le chien est sensé être le « meilleur ami de l’homme »

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