Le printemps et la campagne : l’empoisonnement aux pesticides

Cet article a été rédigé par mon amie Pauline Ollivier, qui a traité avec brio un sujet qu'elle maîtrise bien mieux que moi.

 

Ah ! Comme elle est douce cette période qui annonce l’arrivée de l’été. Les températures montent (plus ou moins) doucement, la brise nous empêche de suffoquer… C’est la bonne période pour les balades en campagne, pour profiter de la nature sous un soleil encore clément.

Vous avez peut-être préparé un pique-nique, vos meilleures chaussures de marche, une bouteille d’eau pour vous et votre chien, dans la perspective d’une longue randonnée dans les champs ? Comment mieux passer votre week-end ?

Vos cartes SD sont prêtes, votre appareil photo est chargé, vos objectifs n’attendent plus que votre regard pour sublimer les paysages que la nature vous offrira !

Faisons en sorte que cette promenade ne se termine pas chez le vétérinaire, ou dans des circonstances dramatiques.

 

Chiffres et rapports sur les dangers des champs : une digression indispensable

Pour certains, cela relève peut-être de l’évidence, pour d’autres, c’est un concept inimaginable. Pour une minorité, il s’agit de nier que cela peut exister…  Les études sur les dangers des pesticides ne sont pas légion, et mes recherches m’ont amenée loin de la France parfois. Il était pourtant indispensable que mes conseils et mes intuitions ne reposent pas que sur mon expérience.

Laissez-moi vous présenter mon setter anglais, Murphy (sur la photo tout en haut de l’article) : c’est évidemment la prunelle de mes yeux, mais dans un autre monde, il n’aurait jamais dû faire partie de ma famille… Avant lui, il y avait Iota, un autre setter anglais, parti à 3 ans parce qu’on ne pensait pas que les champs étaient à ce point dangereux.

Mon Iota, un setter anglais « lemon » de 3 ans.

Un printemps, mon père est allé le promener très tôt (avant 7h le matin) pour profiter de la fraîcheur du canal, longue voie fluviale bordée par deux chemins de halage. Un lapin a surgi devant Iota, qui s’est élancé derrière lui et l’a poursuivi un peu moins de cinq minutes.

La balade a continué, sans plus de péripéties. Quinze jours plus tard, notre petit chien n’était plus. Je l’ai pensé tant de fois depuis ce jour là, ce fameux « si j’avais su… » Je serais allée plus vite chez le vétérinaire. Ou, mieux, il ne serait jamais allé dans un champ, pas à cette heure, pas à cette période de l’année.

Après autopsie, la vétérinaire nous a confirmé qu’il s’était empoisonné, probablement dans un champ. La poursuite du lapin l’aurait amené à ingérer de la rosée gorgée de produits phytosanitaires. Pourquoi du conditionnel ? Parce que l’autopsie ne nous a pas dit quelle molécule, précisément, avait été fatale. Le produit a attaqué ses organes vitaux, et malgré une carrure importante pour sa race (il faisait 62cm au garrot pour 25kg environ), il a suffi d’un passage dans le champ. On ne peut que supposer, mais nous en sommes presque sûrs, que c’est dans un champ que Iota a été empoisonné. Cette histoire n’a pas pour but de simplement vous tirer une larme ou vous faire paniquer : il s’agit de se poser des questions. Si un chien de 25kg peut s’empoisonner comme ça, il y a matière à s’interroger.

 

Rapports officiels et études vétérinaires

Les chiffres et les études, même rares, existent à ce sujet. Si les statistiques vous ennuient, ou que l’anglais n’est pas votre point fort, vous pouvez passer ce paragraphe ! Il n’est là que pour appuyer mon propos, et montrer que ce que je pense ne relève pas que du domaine de l’élucubration douteuse.

Dans le rapport Ecophyto du ministère de l’agriculture, j’aimerais attirer votre attention sur plusieurs points :

  • -de 2010 à 2012, on constate une forte augmentation de l’utilisation du glyphosate, que le centre anti-poison animal classe parmi les irritants des muqueuses (intérieur de la gueule, poumons, intérieur de la truffe…)  ;
  • l’article 53 du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt parle bien de « mesures de protection physique », des dispositifs qui seraient rendus obligatoires dans des lieux accueillant un public fragile, et situés à proximités d’exploitations agricoles, comme des écoles ;
  • -l’article 50 évoque quant à lui la mise en place d’un comité de « phytopharmacovigilance » et de « mesures nationales de gestion des risques » ;
  • le rapport fait aussi état de pics de concentration dans certains captages d’eau entre avril et mai. Il constate aussi des dépassements fréquents ou en augmentation entre 2010 et 2014 du seuil fixé à 0,5µ/litre.

Ce rapport du ministère de l’agriculture laisse clairement entendre que le risque zéro n’existe pas, et que les populations fragiles sont à protéger. Sans rentrer dans le débat de la biodiversité, il est clair qu’il n’est pas anodin pour nos animaux de compagnie d’entrer en contact avec ces substances.

Pour aller plus loin : Suspected poisoning of domestic animals by pesticides et Fatal poisoning in dogs and cats (Université de Sao Paulo)

 

Comment profiter de la campagne sans encombre ?

En concret, cela donne quoi ? La campagne n’est pas un monde empoisonné et retors, un enfer pour les propriétaires de chiens. C’est avant tout une richesse de notre pays que de proposer des lieux de balades exceptionnellement calmes, naturels… Un lieu pour se ressourcer, et profiter de votre toutou loin de la cohue des parcs ou de l’agitation urbaine.

On a vu que les champs pouvaient être dangereux, mais n’oubliez pas aussi que ces produits peuvent se déverser dans les cours d’eau. Ce n’est pas dramatique s’il y a du courant, mais un étang ou un lac qui se remplit avec l’eau de pluie n’est pas toujours un bar à toutous appréciable pour eux. L’eau stagnante, d’une manière générale, n’est pas toujours sans risques ! Les bactéries aussi peuvent être redoutables – ce n’est pas Iota qui dirait le contraire, après avoir testé un mal de ventre à l’empêcher de marcher !

Prendre de quoi désaltérer votre chien, une gamelle ou une gourde adaptée, prévoir une longe si le rappel n’est pas au top, ou bien rester dans les chemins de promenade sont autant de solutions envisageables pour une escapade réussie.

 

 

Comment savoir si un champ peut être dangereux pour mon chien ?

C’est la question principale de cet article, à n’en pas douter. En principe, seules les cultures sujettes à rendement devraient être traitées : en général les cultures maraîchères, le maïs ou le blé. De fait, le couvert végétal (des plantes relativement basses, une étape dans la rotation des cultures), la moutarde (pour faire simple, cela ressemble assez au colza, avec des tiges plus épaisses… Et bien plus hautes en automne !) ou les prairies devraient constituer des endroits sans risques. Devraient.

Alors, quand les champs sont-ils le plus dangereux ?

D’une manière générale, se promener tôt le matin, alors que la rosée perle encore sur les plantes, c’est prendre le risque que votre chien ingère des pesticides ou des herbicides qui ont été pulvérisés dans la nuit. Les agriculteurs travaillent tard (ou tôt, vu l’heure c’est sujet à débat) et traitent souvent dans la nuit. Attention aux chiens vadrouilleurs qui pourraient avoir envie d’aller renifler un champ (quel que soit le type, nous y reviendrons plus tard) ;

Les semis sont prétraités : c’est pourquoi vous trouvez des graines de blé rose vif… De même, des herbicides sont régulièrement appliqués tant que les tracteurs peuvent passer dans les champs. Une fois qu’ils risquent d’abîmer les cultures, ils ne passent plus, et laissent leurs champs tranquilles. Vous pouvez aller faire de belles photos si les plantes vous arrivent à mi-cuisse, ou aux hanches (pour les plus petits d’entre-nous !) ;

Plus généralement, de la fin du printemps à août, vous devez vous montrer particulièrement vigilants. Après cela, les champs ne peuvent plus être traités… Ce qui n’empêche pas d’ouvrir l’œil.

Globalement, si vous voyez que des plantes sauvages sont flétries, semblent mourir (elles ont un toucher très caoutchouteux et élastique, et perdent toute brillance… Comme du plastique), soyez prudents ! Attention aux flaques où Médor pourrait vouloir se désaltérer, vous êtes dans un champ traité. Y passer n’est pas dramatique – tant qu’il n’y a pas de rosée bien entendu… Mais tenter le diable n’est pas une bonne idée.

Ici, des concombres : sur cette photo, vous pouvez voir la différence entre les feuilles du milieu et celles qui sont autour. On voit bien celles qui sont flétries… et celles qui sont en bonne santé !

 

Certaines cultures sont aussi traitées avec de l’anti-limace ! C’est un danger que votre chien peut rencontrer dans les potagers des particuliers, aussi bien que dans les champs : ce produit est régulièrement dénoncé par les vétérinaires comme étant une importante source d’empoisonnement. Ces petites pastilles bleues ont un goût suffisamment attractif pour que certains chiens s’essayent à la dégustation, alors méfiance ! En parallèle, apprenez à votre chien à ne pas manger tout ce qui traîne…

 

Je ne suis pas vétérinaire, alors je peux difficilement vous dire quels sont les signes avant-coureurs d’une intoxication. Chez Iota, c’était discret, mais bien présent : manque d’appétit, respiration plus forte (à peine plus…) que d’habitude, moins d’entrain, d’énergie. Autant de signes que l’on pouvait mettre sur le compte d’une période plus chargée pour ses maîtres, avec moins d’attention pour lui. De la fatigue, ou la chaleur plus difficile à supporter… Si vous remarquez un changement d’attitude chez votre chien, n’attendez pas ! Il vaut mieux payer une consultation qu’une autopsie…

N’oubliez pas que la campagne n’est pas – que – un lieu idyllique, le reflet inversé de la ville, polluée, bruyante, bondée… Elle est certes un cadre idéal pour vous et votre compagnon, à condition de connaître les risques et de vous y adapter. Bonne balade à vous, et amusez-vous bien – mais sortez couverts !

Une photo dans les champs de blé, à la fin de l’été… Attention aux coussinets ! Les fétus de paille sont très rigides, et ce même pour nos pauvres pieds.

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