L’éducation positive, c’est quoi ? (partie II)

Nous avons pu voir dans l’article précédent ce qu’était l’éducation positive, ce qui la différenciait des méthodes d’éducation plus « traditionnelles » et en quoi elle permettait un meilleur lien maître-chien en favorisant l’autonomie de notre toutou préféré lors de ses apprentissages.
A présent, nous allons détailler, au travers de cet article, les différentes aides et méthodes qui permettent à l’éducation positive d’être ce qu’elle est : un outil d’éducation précis, qui ne constitue pas seulement en récompenses délivrées au chien lors de ses réussites.

En quoi se constitue la boite à outils du positif ?

 

1) Le clicker (ou tout autre marqueur sonore)

Il s’agit souvent de l’outil le plus connu ; on associe souvent l’éducation PO avec le clicker, comme s’il s’agissait de deux choses indissociables. Détrompez-vous ! Certains marquent le bon comportement avec un clic et en punissent un mauvais dans la foulée avec un coup de jus délivré par un collier électrique. De même, vous pouvez tout à fait éduquer en positif sans en utiliser (récompenser le bon comportement sans le marquer au préalable, ou marquer d’un coup de sifflet ou d’un claquement de langue)

Si vous l’ignorez encore, le clicker est un petit boîtier en plastique avec une languette de métal en son centre. En poussant cette dernière, l’objet produit un « clic-clac » qui sert donc de signal sonore. Comme vous pouvez le constater, deux clickers de la même marque produisent un son très légèrement différent. L’usure du métal, ou les poussières dans le boîtier peuvent changer la tonalité, ce qui peut être pratique lorsque l’on bosse deux chiens en même temps.

Alors, à quoi sert le clicker ?

Avec un son qui n’existe pas dans notre quotidien, il marque un bon comportement à la demi-seconde près. Plus rapide qu’un « ouiii ! » plus rapide qu’une récompense délivrée dans la bouche du chien, le son tranche très précisément le comportement que l’animal effectuait lors du son. Avec une telle précision, il est tout à fait possible d’apprendre à un chien à fermer les yeux sur commande, et à les garder fermés jusqu’à nouvel ordre (comme ici dans cette publicité !) L’utilité du clicker n’est donc pas dans l’apprentissage d’ordres très simples, comme le assis ou le rappel, mais dans l’élaboration de tours plus complexes, qui demandent une précision chirurgicale pour souligner le moment exact où le chien adopte le comportement voulu. Il est utilisé le plus souvent en shaping, que nous verrons par la suite.

Pour mettre en place l’utilisation du clicker (ou du marqueur sonore de votre choix) il existe deux écoles : c/r (cliquer / récompenser) le chien plusieurs fois « inutilement » afin qu’il associe le son avec la récompense, ou commencer directement à utiliser le clicker pour c/r des ordres déjà connus par le chien et ainsi, lui faire deviner l’utilité de l’outil. A vous de choisir…

 


2) Les signaux d’apaisement

Apprentissage indissociable à l’éducation positive, et quasiment inexistant dans les autres formes d’éducation, les signaux d’apaisement sont les postures corporelles, infimes ou au contraire très marquées, que le chien adopte lorsqu’il est mal à l’aise, effrayé ou même complètement terrorisé et sur le point de mordre.
Il est impensable de penser éduquer dans le respect du chien lorsqu’on ne peut pas lire son langage corporel – comment voulez-vous créer un lien avec un animal si celui-ci vous demande clairement de lui laisser de l’espace ? Bien trop souvent, on imagine que la communication du chien s’arrête à la position de sa queue, les sons qu’il produit et le dévoilement de ses crocs. Inutile de préciser que pour un animal relativement silencieux, l’espèce entière des canidés possède un langage corporel très riche qui débute par le simple plissement des babines et s’arrête au roulage sur le dos. Il est même prouvé que les chiens possèdent plus d’une centaine d’expression faciales différentes… Ça en fait du langage !

Des ressources existent pour parfaire vos connaissances : la bible en la matière fut longtemps de Turid Rugaas (Vous pouvez l’acheter ici) qui est de plus en plus contestée pour la simplicité et la grande généralisation de ses parutions – cependant ce petit livre reste une excellente introduction au novice qui ignore pourquoi un chien baille, ou se couche à l’approche d’un congénère ! Quelques vidéos via Youtube pourront également vous aider, à vous de les rechercher ! Quelques exemples à la volée ? Se lécher le nez, bailler, tourner le regard, la tête puis le corps pour manifester un inconfort émotionnel croissant. En langage canin, cela signifie tout simplement « je ne me sens pas à l’aise dans cette situation » et « j’ai besoin d’espace » !

 

Lors d’un cours avec un bon éducateur, vous remarquerez que ce dernier modulera ses demandes en fonction de ce qu’il lira du chien – c’est en regardant ses signaux qu’on détermine si l’apprentissage lui convient. Par exemple, lors de la rééducation d’un chien agressif, notre regard doit toujours être posté sur le chien, et le travail doit se faire à une distance où l’animal n’émet aucun signal de stress. Un chien qui détourne le regard ou la tête, se lèche les lèvres, tourne le dos à son maître ou à un congénère montre qu’il n’est pas dans de bonnes dispositions. Combien de fois avez-vu un chien se stopper à l’approche d’un autre ? Partir renifler le sol alors que son maître lui hurle de revenir ? Baille lorsqu’un enfant s’approche trop près de sa tête ?

Il paraît évident que sans une connaissance approfondie du langage canin, nous passons à côté de beaucoup trop d’informations expliquant la « désobéissance » de notre compagnon. N’oubliez jamais qu’un chien agresse majoritairement par peur, et qu’avant la morsure, il existe quantité de signaux indiquant l’énorme nervosité de votre toutou.

 


 

3) Les méthodes d’apprentissage

Lorsque vous imaginez la façon d’apprendre à votre chien à s’asseoir, comment vous voyez-vous lui enseigner ? Trois catégories se distinguent pour mener à bien cette tâche – allons donc les examiner de plus près.

•• Le leurre (luring) → Un leurre, c’est une aide (souvent de la nourriture) qui permet de guider le chien afin de le placer dans la position souhaitée. Dans notre exemple, pour faire asseoir votre toutou (nommons-le Henri, pour changer !) vous lui montrez une croquette, que vous placez légèrement au dessus de son nez. En reculant votre main tout en la montant, vous basculez la tête vers l’arrière, et tout naturellement, les postérieurs se plient. Hop, Henri est assis !

•• Le façonnage (shaping) → Technique essentiellement utilisée par l’éducation positive, le shaping permet au chien d’être acteur de son apprentissage. En récompensant une série d’approximations de plus en plus précises (à la manière d’un entonnoir), nous permettons au chien d’entrer dans un jeu de devinettes : quel comportement est récompensé ? Lequel reproduire pour gagner la friandise ? Allons donc essayer avec Henri : assez naturellement, un chien non sollicité par son maître tendra à s’asseoir pour attendre la suite. Il suffit donc de récompenser à cet instant ! Cependant, dans cette hypothèse, il n’y a une étape, celle du produit fini, le assis. Imaginons donc la séance avec un chiot très excité, sautant dans tous les sens. Dans ce cas de figure, on tentera d’abord de c/r l’immobilité, puis la tension des postérieurs, le basculement du poids vers l’arrière, voire même la position de tête en haut, puisque comme nous l’avons vu dans l’exemple précédent, cela déséquilibre le chien et le bascule en position assise très naturellement.

•• La capture (capturing) → De très loin la plus simple… Et certainement la moins utilisée. Dans ce cas de figure, notre objectif est de récompenser des comportements déjà « finis » comme prêts à emporter. Concrètement, il s’agira de récompenser tous les comportements que vous voulez voir reproduits, généralement hors d’un contexte d’apprentissage. Imaginons : vous baladez Henri et votre voisine vous interpelle (vous savez, celle qui est beaucoup trop bavarde?) Vous attendez patiemment qu’elle finisse son monologue, et au bout d’un moment, Henri, lassé, s’assoit à votre pied en attendant la suite. Vous trouvez que cette attitude est intéressante, et clac ! Vous récompensez votre toutou avant de reporter votre attention sur la voisine. Facile non ?

 

Mais quelle est la différence entre ces trois techniques ?

Poussons la réflexion un peu plus loin : quelle méthode est la plus intéressante pour éduquer votre chien ? Eh bien… Cela dépend. Le leurre, majoritairement utilisé, présente l’avantage d’être facile et instinctif : on guide le chien, qui suit aveuglément la nourriture, et voilà qui est fait. Cependant, il présente deux inconvénients majeurs : dans un premier temps, un chien qui suit la nourriture n’a pas vraiment conscience de ce qu’il sait. Il suit tout simplement, et il lui faudra un bon nombre de répétitions pour comprendre un comportement un tant soit peu complexe. D’ailleurs, la complexité englobe le second problème : il est impossible d’apprendre des tours complexes avec un leurre. Imaginez, comment leurrer un salto ? L’exécution du poirier ? Le fait de lever une patte arrière ?

Là où s’arrête les possibilités du leurre s’ouvre le monde du shaping : avec cette méthode d’approximations minimes, il est possible d’apprendre tout ce que vous pouvez imaginer – mais comme rien ne s’obtient jamais gratuitement, la contrepartie est à la hauteur des possibilités offertes. Pour shaper un chien, le timing est crucial. Si vous voulez apprendre à Henri comment lever une patte arrière, il vous faudra cliquer à la seconde même où la patte visée décollera du sol. Et il faudra le faire plusieurs fois pour l’aider à comprendre où vous voulez en venir. (Vous pouvez voir dans cette vidéo qu’une seconde d’avance change le comportement souhaité : mon but était de cliquer les deux pattes arrières de Diez sur le coussin. Il a suffi que je clique plusieurs fois une patte en l’air pour que mon chien, très habitué au shaping, me propose ce comportement … ! )

Avec le shaping, il faut être patient, et progresser par micro-étapes. L’apprentissage peut être long, ce qui explique pourquoi les clubs éduquent en utilisant le leurre, qui montre bien plus vite un comportement terminé et net… Mais qu’il faudra répéter beaucoup plus pour être compris par le chien.

Reste la capture. Quelle est son utilité ? Les comportements simples peuvent être appris au leurre, les complexes au shaping. Soit. Voici ses deux principaux avantages : la capture permet de récompenser un comportement à l’initiative du chien (un salut pour vous inviter au jeu, le fait de sauter sur un tronc, de chasser sa queue…) en espérant pouvoir à la longue, le récompenser assez pour que le chien l’exécute sur ordre (ex : l’ordre « secoue toi » après une baignade) et pour attraper au vol des attitudes, mimiques ou comportements qui sont impossibles à shaper (ex : bailler, montrer ses dents, ou grogner ! )

 

Pour récapituler un peu…

Vous pouvez utiliser le leurre pour apprendre des comportements simples, et la capture pour « saisir » d’autres impossibles à apprendre, mais il est globalement préférable de passer par le shaping. Non seulement cela vous offre des possibilités infinies, mais cela vous forcera a découper des micro-comportements qui mèneront à l’ensemble désiré. L’avantage le plus marquant reste pour votre chien, qui se dépensera énormément mentalement et qui devra réfléchir à la façon de gagner sa récompense : quelque chose de bien plus stimulant que suivre la croquette dans votre main !

Je vous laisse avec cette vidéo, à vous de deviner dans les trois séquences celle qui est du luring, du shaping ou du capturing… J’attends vos commentaires !

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