8 choses que j’aurais aimé savoir avant de devenir éducateur canin

On imagine qu’un éducateur canin passe ses jours en t-shirt, à caresser des toutous amicaux sous un ciel ensoleillé. Les clients sont ravis, ils parlent de ce professionnel extraordinaire à leurs amis et il n’y a rien de plus facile pour monter sa propre entreprise. Pourtant, il existe autant de points négatifs que de points positifs pour se lancer dans ce boulot. À travers cet article, j’utilise ma propre expérience pour revenir avec vous sur les points clés de mes premières années.

 

Devenir éducateur canin est un métier passionnant, mais il est important de connaître les aspects difficiles avant de se lancer. C’est un job physique, émotionnellement et psychologiquement éprouvant, qui nécessite beaucoup d’énergie, de patience et de dévouement. Malgré nos meilleures intentions, il y aura toujours un pourcentage de clients que nous ne pourrons pas aider. En revanche, c’est aussi un travail qui offre beaucoup de possibilité d’évolution par les multiples formations et spécialités qui existent. 

 

Les points négatifs

 

1. C’est un métier ingrat

Cela dépend bien sûr de la région, mais de manière générale, éducateur canin est un métier ingrat. L’été, il faut être dehors sous 32° et pas forcément à l’ombre. L’hiver, on traîne dans la boue et trempé jusqu’à l’os. Si on a une salle, les conditions sont plus heureuses, mais le coût de location ou d’électricité compense à peine les frivoles météorologiques. On est debout 8h par jour, on marche pas mal et il faut garder sourire et dynamisme. En rentrant, nos propres chiens attendent leur heure de balade !

Plus discret, le moins émotionnel et psychologique compte aussi. Voir des familles pleurer en racontant la troisième morsure de leur chien et la menace d’euthanasie… Savoir qu’un chien sévèrement maltraité mettra des années à aller mieux et voir son humain se décourager peu à peu. Recevoir des cas, y mettre tout son cœur et les voir partir deux mois plus tard chez un éducateur qui mettra un collier électrique pour toute solution. Être le dernier espoir de personnes qui ont fait 5 éducateurs en 4 ans. Il faut savoir compatir sans se laisser dévorer vivant.

 

2. 80% de rééducation, 20% d’éducation

En me lançant en tant qu’éducatrice, j’avais bien sûr la tête pleine de plans bien lisses. Je voulais apprendre ceci et cela aux chiots, fallait-il renforcer d’abord la socialisation ou le rappel ? Quelles étaient les meilleures façons de créer du suivi, en longe, en liberté ? Je me disais bien sûr qu’aider un duo dès ses débuts limiterait les problèmes futurs. Ce qui en soi, est tout à fait vrai !

Cependant, beaucoup de propriétaires ne vont pas payer un éducateur pour les aider à éduquer un chien qui ne semble avoir aucun problème. Il y en a, et on attend leur heure avec impatience. Mais la majorité des clients prennent rendez-vous quand la situation leur paraît désespérée. Le chien a mordu (parfois plusieurs fois), il détruit et hurle pendant des heures, ou il a traîné mémé sur 200 mètres au bout de sa laisse… On est plus rééducateur canin qu’éducateur. 

 

 

3. On ne peut pas aider tout le monde

Malgré nos meilleures intentions, il y aura toujours un pourcentage de clients qui ne trouveront pas de solution à notre contact. Les raisons peuvent être diverses : manque de compétences, cas trop grave, humain peu coopératif voire contre-productif… Parfois, on voit la lumière au bout du tunnel pour un duo, mais il manquera toujours ce petit truc. Les humains peuvent faire preuve de bonne volonté, s’ils ne pratiquent pas les exercices demandés, s’ils craquent et vont voir un éducateur à l’opposé de nos méthodes, ou si une énième morsure les fait euthanasier le chien dans la journée… Nous restons impuissants. 

Il reste cependant capital de savoir abandonner et rediriger vers des confrères plus spécialisés. Certains cas d’anxiété de séparation ou de réactivité trouveront leur solution auprès de personnes ayant suivi plus de formations ou avec 20 ans de pratique en plus. Ce n’est pas grave. Il faut accepter de ne pas être omniscient et capable de savoir dire “j’ai fait de mon mieux mais je n’ai pas réussi, quelqu’un d’autre y parviendra peut-être”. 

 

4. Nager dans un banc de requins

Le monde du chien peut parfois donner l’impression d’être impitoyable. Les coercitifs se moquent des positifs et de leurs saucisses. Les positifs vont en raid sur les pages des coercitifs. Chacun a ses raisons, ses croyances, et beaucoup se battent bec et ongles pour défendre leur idéologie. Il faut savoir nager avec le courant sans forcément devenir soi-même un prédateur pour son propre camp. 

Si vous utilisez le mauvais harnais, si vous exprimez votre avis sur un sujet controversé, il faut avoir la peau dure. Dans une volonté de faire évoluer la profession, certains manquent parfois de nuances. J’ai moi-même rejeté l’éducation positive pour mon premier chien suite à de vives critiques alors que je débutais tout juste. Essayez de défendre vos valeurs sans briser les côtes de ceux qui s’y opposent. Laissez vos arguments comme des graines qui prendront du temps pour germer. 

 

Les points positifs

 

 

5. L’apprentissage d’une profonde empathie

À mes débuts dans le métier, sortie de pas mal de formations, j’étais persuadée de tout savoir (ou presque). Je détenais la vérité, et ceux qui ne pensaient pas comme moi étaient incapables. Eh oui, on a tous eu notre période “requin”… Je travaillais pour aider les chiens, sauver les cas désespérés de propriétaires inaptes. Le contact avec ces personnes, la plongée dans ces familles qui se souciaient tellement de leur animal qu’ils étaient prêts à payer pour recevoir de l’aide m’ont fait voir les choses différemment. Je n’étais pas là pour venir en aide au chien. J’étais là pour aider ses humains, afin qu’ils puissent prendre soin de lui. 

Très distante au départ avec l’espèce humaine en général, j’ai développé mon empathie au fil des mois. J’ai compris que le collier étrangleur n’était pas mis pour faire mal au chien, par pure incompétence, mais parce qu’ils n’avaient pas trouvé mieux. Et j’étais là pour les aider à voir les choses autrement. Ce métier m’a véritablement aidé à être un meilleur humain, en laissant mes préjugés à la porte, et en développant mon empathie. 

 

6. Avoir un impact réel et durable

Quand on pense au métier d’éducateur canin, on peut vite se focaliser sur les actions concrètes. Apprendre à un chien à ne pas tirer. Expliquer les besoins fondamentaux du chien. Jeter l’étrangleur et conseiller un harnais. Pour une partie de la clientèle, c’est bien le cas. Mais notre rôle se joue bien plus profondément que ça. Aux yeux des personnes qui nous font assez confiance en apprenant à nos côtés, ce n’est pas juste “apprendre à marcher sans tirer”. C’est profiter à nouveau des balades, et avoir envie de sortir le chien. C’est retrouver de l’affection pour un animal qui n’était associé qu’à de l’inconfort. 

Les chiens réactifs ne sont pas juste “guéris de leur réactivité”. Ils peuvent être sortis, lâchés. Ils ne sont plus perçus comme un danger par et pour leur humain. Ils ont à nouveau envie de se connecter avec leur meilleur ami, de leur apprendre des choses drôles comme des tricks. Ils revoient les yeux polissons, les cabrioles, et plus la menace de ces crocs tranchants. On ôte cette chose qui les empêchait de dormir, de sortir, d’inviter du monde. On bouleverse leur vie pour le meilleur, et c’est probablement la plus belle raison pour choisir ce métier. 

 

7. Plus on apprend et moins on sait

À moins de s’arrêter au passage de l’ACACED (ce qui serait quand même une erreur monumentale), l’éducateur canin se forme tout le temps. Tout au long de sa vie. Nous avons l’immense chance de vivre dans un monde connecté où les ressources ne se résument plus à un livre déniché au fond d’une librairie, ou à un stage annuel; Les conférences, formations en ligne pullulent et permettent une acquisition continue de nouvelles connaissances. Et plus on se forme… Plus on réalise qu’on ne sait absolument rien.

Pour certains, c’est une hypothèse si terrifiante qu’ils préfèrent rester au fond de leur terrain et rabâcher les mêmes choses pendant 50 ans. Il faut au contraire, se réjouir d’avoir toujours de quoi se remettre en question. Notre métier est une source de jouvence qui nous permet de n’être jamais aliéné par des tâches répétitives. Nous pouvons toujours rester sur le fil, et danser entre compétences acquises et inconfort. En continuant de se former et d’apprendre, nous aiguisons notre sens critique. Aimer apprendre et pouvoir le faire toute sa vie est un don qu’il faut savoir cultiver. 

 

8. Trouver sa place, son vrai “soi”

Certains ont toujours su ce qu’ils voulaient faire dans la vie et n’ont jamais changé de voie. Ce n’est pas mon cas. Pendant vingt ans, j’ai erré dans un parcours scolaire sans queue ni tête. Adopter mon premier chien a allumé quelque chose en moi. J’avais un but, une passion, une flamme que des centaines d’heures de lecture et de pratique n’ont jamais fait faiblir. J’ai su que j’avais trouvé ma voie, et j’espère que beaucoup connaitront un jour cette absolue certitude qu’un métier est fait pour eux.

Devenir éducateur canin a créé mille bouleversements. J’ai appris à me battre pour mes convictions, même si c’était contre ma propre famille. J’ai nourri mon courage en quittant tout pour un boulot instable. J’ai développé plus d’amitiés en un an que dans toute ma vie. J’ai lancé ma boîte, appris des façons de la faire connaître, développé mille et unes compétences annexes. J’ai ouvert ma gueule puis appris à me taire, j’ai cru tout savoir puis accepté de n’en connaître qu’une infime partie.

J’ai trouvé qui j’étais en aidant les autres. 

Aucun des points négatifs ne contrebalancera jamais tout ce que ce métier m’a apporté. 

La seule différence d’avoir appris tout avant de me lancer… C’est que je l’aurais fait plus tôt !

Alors si c’est votre petite flamme à vous, n’attendez pas plus longtemps.