Et si votre chien était juste introverti ?

Quand nous pensons prendre un chien, des scènes défilent dans notre tête par anticipation : des caresses, une balle baveuse et des jeux interminables avec ses congénères. Personne ne s’imagine un compagnon qui dédaigne voire agresse les autres chiens. Inutile de se mentir, la majorité adopte en partie pour faire davantage de rencontres, profiter de l’air libre, mais certainement pas pour s’isoler. Alors quand Fido ignore ses copains, on se demande s’il n’a pas un problème. Un chien solitaire n’est-il pas sociable ? Doit-on l’aider à devenir plus joueur pour qu’il aille mieux ? 

Nous considérons naturellement le chien comme une espèce sociale. Pourtant le terme exact serait individu sociable, appréciant le contact ponctuel avec ses pairs, sans en avoir besoin pour survivre. Même s’il ne joue pas avec ses congénères voire préfère les éviter, tant qu’il transmet les bons signaux de communication au bon moment, il est sociable. 

Une espèce sociale ou un individu sociable

Par réflexe, on aurait tendance à affirmer que le chien est une espèce sociale. Ce qui implique la formation d’un groupe d’individus, partageant des tâches communes et possédant un panel de signaux de communication riches. Toutefois, la définition qui lui correspond le mieux est celle “d’individu sociable”. Au fil de la domestication, notre meilleur ami a changé sa façon de vivre, mais aussi de considérer ses pairs. Beaucoup de chiens ont besoin de rencontrer des congénères. Certains jouent entre eux, mais ce partage reste ponctuel, ils finissent par se séparer une fois l’activité terminée.

Plusieurs études montrent que Médor a évolué en fonction de l’humain, plutôt que d’affiner son lien avec ses congénères. Sa capacité à comprendre nos émotions  démontre qu’il s’est adapté à nous et qu’il favorise cette relation inter-espèce. Bien sûr, Rex conserve le besoin de voir ses pairs, mais peut-être pas tout à fait comme nous le pensions. Qu’est-ce qu’une bonne interaction ? Quel type de contact remplit réellement la jauge sociale de notre meilleur ami ? 

 

La jauge sociale

Si le chien a besoin de l’homme pour vivre, voir ses congénères est davantage une condition de bien-être.  Sa relation avec ses pairs est finalement semblable à celle que nous entretenons avec nos amis. Nous n’avons physiquement pas eu besoin d’eux pour survivre pendant le confinement, mais nous apprécions leur soutien psychologique. Discuter, se réunir contribue au remplissage de notre jauge sociale. 

Dans le parc canin, Fido peut communiquer avec des semblables qui parlent sa langue. Une bonne maîtrise des signaux de communication lui permet d’éviter les conflits et de nouer des relations avec ses copains. Nous-même, adorons notre toutou mais éprouvons le besoin d’avoir du contact avec ceux de notre espèce

 

Une sociabilité surcotée dans le temps

Les chiots connaissent deux phases de socialisation, la primaire et la secondaire. C’est le propriétaire qui s’occupe surtout de cette dernière. L’éthologie canine avançant à grands pas, il a été démontré que cette phase de est extrêmement importante. Le chiot doit voir le plus de choses possible dans un contexte positif, et surtout côtoyer ses congénères. Le problème survient dans la définition “communiquer”. Est-ce qu’un contact visuel suffit ? Faut-il absolument que les toutous se reniflent pour cocher la case “socialisé aujourd’hui ?”. L’interprétation de la sociabilité diffère alors selon le point de vue humain ou canin, et c’est là que les problèmes surgissent. 

 

Cette notion de socialisation est tellement ancrée dans notre esprit que nous en venons à nous sentir coupable. Coupable si notre chien ne s’amuse pas avec 3 copains par jour, s’il renifle juste sans s’intéresser à ses copains et s’il ne se dépense pas assez dans de folles courses-poursuites. Aux yeux du grand public, pour communiquer avec ses amis, Fido doit absolument jouer, exactement comme quand il était chiot. Nous oublions pourtant un critère : notre bébé pataud et infatigable grandit, il mûrit. À l’instar des adolescents qui préfèrent communiquer autrement -via le téléphone ou de calmes discussions- Toutou n’a pas forcément envie de galoper sans but comme un cinglé. De simples salutations de loin remplissent sa jauge sociale. Un adulte bien dans ses pattes peut être joueur ou ne pas l’être, exactement comme il existe des trentenaires réservés et d’autres farceurs. Le plus important est de proposer à son chien une possibilité d’interaction sans l’y pousser.

Les films, couplés aux réseaux sociaux nous vendent l’image d’un chien sociable, s’épanouissant au parc canin avec ses amis. Les hollywoodiens poilus invitent leurs congénères à leur soirée d’anniversaire (cf : un Chihuahua à Beverly Hills), et sur Instagram, les humains parfaits filment de longues balades collectives. Qui n’aime pas ces vidéos de courses-poursuites effrénées, de bâtons qui volent et de truffes enthousiastes qui s’entrechoquent ? Le chien permet à l’humain de faire des rencontres avec d’autres propriétaires passionnés, c’est bien connu. Il suffit de s’appuyer contre la barrière de l’enclos et commenter le jeu de nos toutous, puis de créer un groupe de balades en fonction des amis préférés de Fido. 

 

Des paramètres complexes

Cette généralisation gomme des données essentielles dans notre calcul bien rodé “chien = animal sociable = joueur” : Le chien n’a pas des humeurs fixes. C’est un être vivant soumis à divers paramètres changeants. Fido est peut-être moins enclin à jouer parce qu’il a mal à la patte, ou parce qu’il déteste la pluie. De nombreuses raisons expliquent qu’aujourd’hui, avec ce congénère-là, Fido ne souhaite pas s’attarder. Peut-être y avait-il des odeurs plus intéressantes, ou qu’il est fatiguéEn bon être complexe, pourvu d’émotions, notre chien est soumis à plein de critères différents. L’environnement, mais aussi son propre caractère influencent ses choix et son type de sociabilité.  

Le droit d’avoir ses affinités

Si les amitiés humaines se créent autour d’une passion sportive, cinématographique voire politique, les ententes canines se forgent également selon plusieurs critères. À force d’accumuler les expériences, ils prennent des décisions, se forgent un avis personnel. Ainsi, des études ont démontré que les toutous développent des préférences. Certaines races possèdent des codes bien spécifiques entre elles, outre les signaux communs à l’espèce. Il existe différents types de jeux comme la course-poursuite ou la bagarre. Une étude a été jusqu’à démontrer que nos meilleurs amis préfèrent souvent jouer avec un compagnon de taille et d’énergie équivalente.

D’autres facteurs, plus subtils entrent en compte dans l’appétence sociale du chien. Logiquement, des races sélectionnées pour vivre et travailler en meute ont davantage d’affinités avec leurs congénères. L’Akita, lui, n’est pas un méchant monstre dominant, mais les gênes de ce grand sensible le prédisposent davantage à la réactivité. On peut déjouer ces paramètres génétiques en choisissant attentivement son élevage, mais aussi en prêtant particulièrement attention à sa socialisation

 

Une personnalité unique

Chacun de nos loulous possède son propre caractère, ce qui nous permet de le reconnaître entre mille. Il existe une multitude de nuances fascinantes dans leur caractère. Il y a les sociables calmes, qui aiment partager des odeurs, les joueurs invétérés, et ces fameux indépendants qui communiquent étonnamment bien mais ne veulent pas se mêler à la foule (et tellement plein de variantes encore).

Un chien ne doit pas forcément être jovial tout le temps, ni aduler ses congénères pour être sociable. S’il manifeste des signaux de communication appropriés, y compris pour signifier qu’il n’a pas envie de contact prolongé, il est sociable. Autrement dit, il sait agir en fonction de son congénère et de son environnement de manière adéquate. Sa personnalité ne doit pas s’effacer pour répondre aux besoins d’autres chiens ou de son humain qui aurait aimé passer des heures dans le parc canin. 

 

Un cercle d’amis et d’ennemis (?) proches

Si nous faisons le parallèle, les humains et les chiens fonctionnent un peu de la même manière. D’une part, nous avons notre cercle de proches, la famille et de véritables amis qui se comptent sur les doigts de la main. D’autre part, nous n’aimons pas certains individus, à cause d’un certain historique avec eux ou sans véritable raison. Tant que nous ne les pourchassons pas avec un couteau afin d’en finir avec eux, la société ne nous considère pourtant pas comme asociaux. Pareil pour les humains plus timides, moins bavards ou plus solitaires. Tant que nous respectons les signaux de communication de notre espèce et les normes, tout va bien. 

De la même manière, Médor a ses chouchous. Les autres chiens du foyer, les compagnons réguliers du parc… Les premiers lui plaisent, les seconds moins, ou inversement. Tant qu’un toutou communique adéquatement, on ne peut pas le targuer d’asocial. Croire qu’un animal de deux ans particulièrement posé est “malheureux” car il ne se jette pas dans la mêlée avec le groupe est une erreur. Peut-être est-il particulièrement sélectif avec ses copains, ou préfère-t-il l’interaction avec son humain. Nous sommes tous différents, acceptons le fait que nos meilleurs amis le soient aussi.